La COVID-19 vue par un survivant du VIH
En temps de confinement, Jacques reprend sa plume.
Fidèle collaborateur du blogueJe suis séropo (où son article a été publié pour la première fois) et porte-parole de la campagne Je suis séropo, Jacques nous livre ses réflexions sur COVID-19 et nous explique comment, en tant que militant de longue date dans la lutte contre le VIH/sida, il se trouve confronté à une deuxième pandémie.
Vivre une deuxième pandémie
J’ai vécu la pandémie du sida, qui n’est même pas terminée car de nombreuses personnes qui vivent avec le VIH n’ont pas encore accès aux traitements qui viennent contrôler cette infection.
Me voilà plongé dans une autre pandémie : celle de la COVID-19
A peine remis et vivant toujours dans l'espoir qu'un vaccin puisse bientôt apparaître, je suis plongé dans une autre pandémie : celle du COVID-19. C'est comme si je revenais quarante ans en arrière. Notre jeunesse n'a pas connu cette période. La population en général - à l'exception de ceux qui ont perdu des proches - n'a que peu ou pas de souvenirs de la crise. Même parmi les personnes vivant avec le VIH, beaucoup de celles qui ont été diagnostiquées après l'an 2000 ignorent qu'entre 26 et 43 millions d'hommes, de femmes et d'enfants ont été infectés par le virus à ce jour.
Je fais partie de celles et ceux qui ont enterré des centaines de personnes
À 75 ans, je fais partie des gens qui se souviennent. Je fais partie des gens qui sont encore là. Je fais partie de celles et ceux qui ont enterré des centaines de personnes, qui ont lutté et luttent toujours pour combattre un ennemi devenu visible, mais qu’on tarde à éliminer. Vivre une deuxième pandémie me ramène à tout ce vécu de peur et de tristesse, mais aussi à ce vécu d’espoir, à ma croyance en la capacité humaine de grandir à travers ces temps si douloureux. À mon âge et malgré mon désir aussi ardent de lutter, je dois cependant me rendre compte que mes armes doivent s’adapter à la réalité de mon vieillissement.
Je voudrais dire à moi-même et à toutes les personnes qui me liront: la vie sera toujours plus forte que la mort.
J'aimerais encore avoir la force d'être sur tous les fronts, de marcher dans les rues pour aider les plus vulnérables. Pourtant, je me retrouve confiné à la maison, condamné à suivre l'évolution de la pandémie au jour le jour, meurtri par les yeux des gens qui me jugent parce que je veux sortir prendre l'air... Malgré l'éloignement physique, je reste en contact avec des personnes isolées qui luttent contre une anxiété croissante. Je repense à ma vie quotidienne. Je suis bouleversée, attristée par ce qui se passe, mais je suis toujours en vie. Aussi, j'aime me dire et dire à tous ceux qui lisent ceci : la vie sera toujours plus forte que la mort. Certains nous quitteront, mais il y aura des survivants, dont on se souviendra pour beaucoup.