James W
Pair militant, chercheur communautaire et baladodiffuseur
1993
« Je me suis penché sur ma chaise, les mains appuyées sur mes genoux, scrutant le visage de mon médecin pour y déceler le moindre signe. Son expression ne laissait rien transparaître. Il était de pierre. »
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Je lui ai demandé « Comment ça va, quoi de n… » et avant même que je finisse ma plaisanterie, il m’a dit « James, ton résultat de dépistage du VIH est positif ». « Oh, quel soulagement, c’est super », lui dis-je en entendant le mot « positif », sans penser que ça voulait dire l’inverse. Il m’a regardé par-dessus ses lunettes : « Non, James, tu es séropositif au VIH, le virus qui cause le sida. Tu as le VIH. » Mon sourire a figé. Je cherchais le sens de ses mots pendant que la panique me prenait ma gorge. J’ai murmuré « Êtes-vous certain? Quoi? Mon Dieu, êtes-vous sûr? »

« Oui, je suis certain », m’a-t-il répondu.

Le temps s’est arrêté. Mes yeux étaient fixes; le monde, flou. Je n’ai entendu que des bribes d’explications sur les cellules T, le système immunitaire et les infections opportunistes.

Il a attiré mon attention en prononçant mon nom, « James ». Il a continué : « Je n’ai pas beaucoup d’expérience en traitement du VIH ou pour te soutenir, donc je te suggère de te trouver un autre médecin qui est plus familier avec le virus et qui pourra te donner les soins dont tu as besoin. » Je me suis redressé, nos regards se sont croisés. « Excusez-moi? ». « Il y a un bottin téléphonique dans le hall d’entrée. Cherche le mot "sida" et tu trouveras des organismes spécialisés dans ce genre de chose, qui pourront te soutenir mieux que moi. » J’ai répliqué : « Sérieusement? ». « Je ne peux pas faire grand-chose de plus pour toi », m’a-t-il dit.

La tête dans la brume, je me suis dirigé vers la porte. Je me suis retourné et je lui ai demandé : « Combien de temps vit-on environ? J’ai besoin de savoir. »

« L’espérance de vie moyenne est de deux ans », m’a-t-il répondu sans broncher.

J’ai esquissé un non de la tête, à cette information que je savais vraie. Abattu, je lui ai tourné dos, j’ai quitté son bureau et je suis allé chercher le mot « sida » dans le bottin.